Financement des aménagements

Les plans vélo successifs adoptés en France par le passé ont un point commun : aucun budget dédié à leur mise en œuvre. Le premier axe serait donc de marquer une rupture avec la création d’un fonds national en faveur du vélo :

  • financer des vitrines de la ville durable à la française, avec un appel à projets ambitieux «Territoires cyclables»
  • lancer une dynamique de résorption des coupures urbaines
  • achever les véloroutes et voies vertes inscrites au schéma national d’ici 2030, celles du schéma EuroVelo d’ici 2022
  • parler vélo au grand public grâce à une campagne de sensibilisation à tonalité positive

 

100 Millions d’euros pour 10 territoires
Un référentiel avant 5 ans

En matière de politique cyclable urbaine, force est de constater que l’on a fait du saupoudrage, que l’élaboration de plans « vélo » ou « modes actifs » a été faite sans la vision d’ensemble qui aurait pris en considération les transports en commun. On constate des évolutions de parts modales mais la complémentarité des deux usages en terme de rabattement, d’irrigation des quartiers, d’étalement horaire, d’allègement de trafic en centre-ville et de réduction des besoins d’investissement et de frais de fonctionnement des TC n’a pas été étudiée, pas plus que la contribution à l’évaporation de trafic automobile liée à la priorité donnée à la marche, à l’usage du vélo, des bus et des tramways… 

Si la capitalisation des connaissances sur le bien-fondé et la mise en œuvre des aménagements cyclables et piétonniers est satisfaisante, la France souffre d’un manque de compétences, donc d’études et de formation sur la relation entre marche, vélo et  urbanisme qu’il s’agisse des lieux d’habitation, de commerce ou de travail. 

Les réalisations méritoires et remarquées des métropoles du « peloton de tête » ne sont pas transposables à des territoires différents qui, parfois dans l’impatience de volontés politiques, accouchent d’aménagements ratés ou peu utilisés. Faute d’exemples probants en France ou parce qu’ils ne les ont vus qu’à l’étranger, nos élus restent peu enclins à remettre en question le statu quo en terme de partage de la voirie, de comportement de leurs électeurs  face au besoin de mobilité et de répartition des budgets d’investissement et d’entretien. Ceci est particulièrement sensible dans des domaines comme les surfaces de l’espace public dévolues aux différentes circulations et au stationnement automobile, les plans de circulation qui font encore trop souvent peu appel à des dispositions du Code de la route ou à la Loi Laure vieilles de dix ans ! 

Les militants ne connaissent que trop les objections « standard » : manque de budget, perte du soutien financier de l’État et nécessité d’étaler la dépense, quand on ne mentionne pas « off » la difficulté d’établir une relation constructive avec l’association cycliste locale par absence de reconnaissance d’une compétence extérieure à celle de l’Administration. Il faut dire que ni les piétons, ni les automobilistes n’y ont habitué nos élus !

La nécessaire évolution vers une mobilité plus durable ne s’est jamais présentée dans de meilleures conditions. Des tissus très techniques et la mode pallient aux caprices de la météo, le prix de la monture d’entrée de gamme est incitatif… jusqu’au Vélo à Assistance Electrique qui gomme le relief, étend la pertinence du vélo et dont l’acquisition est aidée par des collectivités locales quand ce n’est pas par l’État ! 

Bien sûr, il y a quand même quelques obstacles et des compétences à acquérir : rouler en ville en sécurité, s’y diriger en pédalant et ne pas rechigner à un exercice minimum. Quels que soient les efforts de nos associations à cette nécessaire conduite du changement, il faut donc encore aider par l’exemple l’électeur et l’élu à passer  aux actes.

Consacrer 100 millions d’euros à « cyclabiliser » 10 territoires de référence choisis dans le cadre d’un appel à projets en fonction de leur taille, leur situation économique, leur relief, leur densité de population permettrait d’établir en moins de 5 ans un référentiel français qui tienne compte des spécificités héritées de notre géographie et de notre histoire. La France est nettement moins densément peuplée que les pays les plus avancés d’Europe et a joué l’étalement urbain et l’inattention aux coupures urbaines, la fuite en avant dans un urbanisme commercial qui asphyxie les centres des villes moyennes. L’objet d’un tel appel à projets dont le coût est totalement marginal par rapport à celui des kilomètres d’autoroute encore en construction serait de constituer un référentiel.

Forts de l’expérience de ces territoires pilotes et de la médiatisation de leur mieux-vivre, il y a une chance pour que la France redevienne également cyclable et que la mobilité durable ne soit pas déjà l’objet d’une de ces « fractures » dont les français ont le détestable secret. 

 

Une contribution aux modes actifs
Encourager les collectivités à résorber les points durs

Les itinéraires dits cyclables ou qui pourraient l’être par tous, fourmillent de « chaînons manquants » liés à la difficulté à franchir les reliefs mais plus encore des coupures urbaines qu’il s’agisse de voiries à grande vitesse ou de voies ferrées, de quartiers d’habitation non traversants, de grandes surfaces commerciales en impasse ou de zones industrielles occasions de longs contournements. Le sujet a fait l’objet d’études, entre autres du CEREMA et du livre de référence du chercheur Frédéric Héran « La ville morcelée ».  En plus de décourageants allongements de parcours et de temps, de l’accroissement de la difficulté ressentie par le candidat cycliste ou  marcheur, il y met en évidence la catastrophique influence de ces ruptures sur le lien social local. 

Il importe donc d’aider les collectivités locales qui font des efforts pour établir un réseau cyclable  cohérent et  structuré à faire sauter  tous ces points durs et onéreux qu’il s’agisse du besoin de franchissements de qualité, d’aménagements de tabliers de ponts, de percement de « mini-tunnels » éclairés, de reconfiguration de carrefour, de séparation de trafic piétonnier et cycliste dans les étroitesses.

Alimenté par une « contribution modes actifs » prélevée  à hauteur de 0,5 % sur le budget publicitaire des marques automobiles (2 Milliards d’euros annuels), un fonds permettrait d’abonder les travaux publics spécifiquement nécessaires aux modes actifs en ayant un effet d’entraînement pour les collectivités puisque quelques pourcents du linéaire d’une passerelle peuvent coûter incommensurablement plus cher que le reste de l’itinéraire concerné.

 

Engagement de l’état et des collectivités locales

« Plans » non financés

Fruits du travail commun de quelques politiques de tous bords, de certains services de l’État et des associations cyclistes, les plans se sont succédés :  Plan National Vélo (PNV de 2012), Plan d’Aide aux Mobilités Actives (PAMA en 2015). Les deux derniers plus spécifiquement consacrés au déplacement urbain ont apporté des avancées significatives en terme de Code de la route et de réglementation sur le stationnement. Plus catalogues de mesures que vecteurs financés d’une vision stratégique et globale, ils sont restés totalement insuffisants sur la promotion de l’intermodalité, l’éducation, la contribution à la santé, le soutien à l’industrie française ou au tourisme à vélo. Face à un secteur automobile qui pèse 9 % de la publicité en France et plus de 2 milliards d’euros annuels, l’État s’est distingué par son absence totale de communication  grand public sur le  volet « modes actifs ». En même  temps, l’État promeut et subventionne largement une « solution » à base d’automobiles individuelles électriques qui ne fait que déporter la pollution et contribuer à la congestion urbaine.

Suppression du soutien à certaines fédérations cyclistes nationales, périlleux différé de versement à celles qu’il épargne, l’État et la collectivité publique sont plus que jamais demandeurs de la contribution des associations au développement de l’usage du vélo sans leur en donner les moyens. En témoigne le peu d’appels à projets  spécifiques et l’absence de soutien  à appel aux financements européens qui nous conduisent à une situation de décalage total par rapport aux autres pays européens. 

Délégation Interministérielle

Préconisée par le Rapport Lebrethon (Mars 2004), la Coordination Interministérielle à l’Usage du Vélo (CIDUV) est restée sans moyen en comparaison des cabinets en fonctionnement dans les autres pays européens :  elle n’a d’interministérielle que le nom alors que plus d’une dizaine de sujets nationaux pas plus transverses font l’objet d’une délégation  et d’un financement interministériels. Le récent rapport remis par la CIDUV au Conseil National de la Transition Energétique est un progrès insuffisant vers la reconnaissance de l’usage du vélo et de la marche.

Nous demandons la création d’une Délégation Interministérielle à l’usage de la Marche et du Vélo pour englober ainsi les « modes actifs » et éviter qu’on oppose dans la  répartition de l’espace ces modes, complémentaires des transports en commun. Cette Délégation doit être dotée de moyens financiers et humains en rapport avec les enjeux écologiques, sanitaires et sociaux, économiques et industriels qui commencent à être reconnus par la majorité de nos concitoyens. Les politiques impulsées par la Nation doivent être suivies d’actions systématiques  sur le terrain dans les régions et les  agglomérations.

Maisons du vélo

Il existe aujourd’hui en France 160 aires urbaines de plus de 50000 habitants selon la définition de l’INSEE dont une centaine de plus de 100 000 habitants. Toutes ont une fiscalité propre et la prérogative d’organiser les transports. C’est donc à ce niveau tant géographique qu’organisationnel qu’il importe de matérialiser, avec l’aide de l’État, la volonté politique d’en finir avec des déplacements sur-motorisés et coûteux pour la collectivité en importations et en nuisances qui ont des répercussions sur le porte-monnaie et la santé des français. 

Si nous ne voulons pas devenir « l’exception cycliste française » en Europe et dans le Monde, il est urgent de donner à nos concitoyens le moyen d’accéder à la « culture vélo » avec la création d’un  Réseau de « Maisons du vélo » regroupant tous les moyens de s’informer et de se former à l’usage des modes actifs : conseil à l’achat ou location de courte à longue durée, évaluation des compétences cyclistes de chacun  et vélo-école, aide au choix d’itinéraires sûrs et à la combinaison de multiples moyens de transport, accueil des touristes à vélo, présence d’un atelier de réparation participatif et solidaire ainsi que liste des détaillants-réparateurs…   

Les « Maisons du vélo » doivent être aussi des centres de ressources pour la formation péri-scolaire, l’activation des  plans de mobilité d’établissement (obligatoires dés 100 salariés), la mise en œuvre d’une vraie politique de stationnement dans les habitations, les lieux de vie, de travail et de commerce,... et le soutien aux communes périphériques bien souvent en déficit de compétence et d’information sur les circulations piétonnes et cyclistes, en absence de moyens de dialogue avec des usagers d’une infrastructure cyclable et piétonne plus exigeante que la route.

Ce ne sont pas les outils qui manquent aujourd’hui, c’est la volonté politique, alors qui sera le Ministre de la « Culture vélo », son André Malraux ? En attendant, créons une Délégation interministérielle !

 

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